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Les enjeux des transports et de la mobilité pour les secteurs du tourisme (compte-rendu de table ronde)

Ce 18 juin 2013, une vingtaine de professionnels du tourisme se sont rencontrés sur le thème de la mobilité et des transports, à l’initiative du Centre de compétence Le Forem Tourisme. La variété du profil des participants (autocaristes, maisons du tourisme, institutions publiques, hébergement, musées et attractions) a permis des échanges très riches, grâce à la diversité des attentes et problématiques propres à chaque secteur d’activité.

D’emblée, un premier constat peut être posé concernant la progression de nombre de déplacements dans les prochaines années : les projections de l’OMT (évolution du nombre de touristes dans le monde, passant de 1 milliard en 2012 à 1,8 milliard estimés en 2030) semblent démontrer que la mobilité augmentera encore de manière considérable à moyen et long terme. L’actualité récente liée au célèbre salon aéronautique du Bourget renforce ce sentiment : les constructeurs n’hésitent pas à annoncer un doublement de la flotte mondiale d’avions au cours des vingt prochaines années, avec une croissance moyenne du trafic aérien évaluée à 5 % par an !

Vers la fin du modèle « low cost », au profit du tourisme de proximité ?

Cependant, selon certains professionnels présents dans l’assemblée, il convient de relativiser ces tendances. Les avantages fiscaux et subventions indirectes (notamment par le biais des aéroports régionaux) perçus par certains opérateurs aériens permettent, jusqu’à présent, de maintenir des tarifications artificiellement basses, offrant ainsi l’accès au voyage à une large majorité de la population. Le modèle économique du « low cost » semble malgré tout assez précaire et les quelques initiatives récentes des opérateurs historiques (Air France avec sa compagnie low cost « Hop ! » et la SNCF avec son TGV low cost « Ouigo ») rendent certains spécialistes du transport assez dubitatifs. La désengagement progressif des aides publiques et l’augmentation constante du coût de l’énergie risquent bel et bien de provoquer un ralentissement des déplacements, que seuls les touristes disposant d’un budget substantiel pourront encore s’offrir. Au niveau local, certaines attractions constatent déjà que des écoles renoncent aux voyages scolaires pour des raisons budgétaires liées au transport. La Région flamande a d’ailleurs légiféré en ce sens, causant une limitation drastique des voyages, au préjudice des autocaristes et agents de voyages. Au niveau mondial, force est de constater que ce sont les pays émergents (appelés également « BRIC » : Brésil, Russie, Inde, Chine) qui soutiennent essentiellement la croissance. Ces « nouveaux » touristes, jusqu’à présent assez peu soucieux de l’impact environnemental, sont généralement avides d’une « liste » de lieux à fréquenter dans un temps limité plutôt qu’un tourisme qualitatif basé sur l’expérience … Nous pouvons cependant présager d’une évolution des comportements de ces touristes vers une attitude plus « européenne » qui, à terme, privilégiera moins de déplacements.

Ces réflexions poussent les opérateurs touristiques à effectuer des choix stratégiques importants, qu’il conviendrait de soutenir par une réelle vision prospective sur l’évolution de la mobilité à long terme (horizon 2020 à 2050). D’aucuns estiment que l’avenir des produits touristiques réside dans une véritable offre de tourisme de proximité et, pourquoi pas, dans le développement du « slow tourisme » qui ne serait pas qu’un simple effet de mode passager mais une tendance durable.    

Rentabilité et concurrence : opportunité ou menace ?

Un autre constat se pose de manière assez évidente : la gestion des déplacements, autrefois l’apanage de compagnies nationales dans le cadre d’un « service public », devient un enjeu commercial majeur. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer les nombreuses entreprises privées qui investissent massivement dans le domaine du transport, comme par exemple Transdev-Veolia qui compte actuellement plus de 100.000 salariés sur les cinq continents ! L’attractivité des nouvelles campagnes publicitaires pour les transports en commun et l’acharnement que montrent certains opérateurs pour décrocher des marchés publics de transport sont des signes qui ne trompent pas ! Cette situation est bien évidemment favorisée par la libéralisation des marchés prônée par l’Union européenne : si le domaine aérien est déjà bien servi en la matière, le secteur ferroviaire se prépare à un profond bouleversement, avec la chute imminente des derniers monopoles existants, à tel point que certains n’hésitent pas à évoquer une véritable « bataille du rail » européenne. Un exemple parmi d’autres : la Deutsche Bahn s’apprête ainsi à concurrencer Thalys et Eurostar, respectivement sur Paris et Londres, et ce dès 2014 ! Dans ce contexte concurrentiel de plus en plus tendu, les PME – les autocaristes en sont une belle illustration – ressentent un manque d’intérêt et de soutien de la part des pouvoirs publics, voire une certaine forme de concurrence déloyale dans certains cas.

Cette évolution forcée ne constitue pas nécessairement une opportunité pour les opérateurs touristiques (l’expérience nous a maintes fois démontré que la libéralisation d’un marché ne conduit pas toujours vers une baisse des tarifs et/ou une augmentation de la qualité de service). Et nombreux sont ceux qui craignent une diminution de l’offre de transport public, notamment dans les zones rurales où, de manière récurrente, des lignes de train ou de bus font l’objet de tentatives de sacrifice sur l’autel de la rentabilité.

Une problématique à la fois complexe et transversale …

C’est une évidence, le transport est la composante incontournable d’une expérience touristique puisqu’un déplacement, même très court, constitue par essence le fondement de toute activité touristique, telle qu’elle est définie par l’OMT. Dans la structuration d’un produit touristique, la composante « transport » se révèle souvent comme la partie la plus instable et compliquée à gérer, notamment à cause de contraintes légales et logistiques assez lourdes et de facteurs exogènes non maîtrisables (conditions météo, grèves …). Les quelques structures  locales qui ont tenté l’expérience (transferts de clients sur leur territoire, comme par exemple le projet « Ardenne for you ») en arrivent souvent à la même conclusion : si le service est généralement bien apprécié par les bénéficiaires, on rencontre très rapidement des problèmes de rentabilité et l’investissement en moyens humains est généralement disproportionné.

La mobilité des touristes est un concept à la fois complexe et très « transversal ». La problématique, pourtant cruciale pour l’avenir de nos secteurs, est souvent évitée, voire ignorée au sein de nos grandes institutions : à notre connaissance, il n’existe pas de cellule « tourisme » au sein des TEC et la SNCB se contente de mettre timidement en avant quelques offres combinées dans le cadre des « B-Excursions ». Quant à nos grandes villes, régulièrement classées parmi les cités les plus embouteillées en Europe, elles concentrent essentiellement, et souvent à juste titre, leurs efforts vers les flux de navetteurs. Certaines d’entre elles ont cependant pris conscience des difficultés de stationnement rencontrées par les autocaristes et ont pris des mesures afin de leur faciliter la vie … mais globalement, nous sommes encore loin d’une situation idyllique ! D’autres acteurs de terrain, parfois situés en « première ligne » lors de l’arrivée des touristes (nous songeons ici aux taximen), jouent un rôle prépondérant dans la satisfaction du séjour et l’image du territoire visité … et pourtant personne ne semble s’en soucier !

Enfin, n’omettons pas un facteur essentiel qui impacte la mobilité des touristes, quelle que soit la nature du déplacement (loisirs, affaires, famille …) : quelles sont les motivations qui conditionnent le choix d’un mode de transport ?  Si le tarif pratiqué peut paraître important, d’autres éléments entrent en ligne de compte, parfois dans des proportions non négligeables : la sécurité, le gain de temps, la souplesse et les services proposés, mais également l’impact environnemental. Dans ce dernier cas, il faut bien se rendre à l’évidence : si une certaine normalisation des comportements « éco-responsables » a tendance à s’installer, et nous ne pouvons que nous en réjouir, force est de constater que la majorité des touristes, hormis quelques intégristes verts, relèguent ce facteur au second plan. Ces divers éléments guideront bien évidemment les opérateurs touristiques dans leurs choix stratégiques.

En guise de conclusion, cette « table ronde » a malgré tout permis d’identifier quelques pistes intéressantes à explorer pour mieux répondre aux besoins des différents opérateurs du secteur :

–      Il serait opportun de prendre contact avec les transporteurs institutionnels (TEC, SNCB) pour proposer la création d’une cellule « tourisme » favorisant les synergies avec les acteurs touristiques et permettant de sensibiliser certains membres du personnel potentiellement en contact avec des touristes (voire de proposer une formation adaptée à l’approche de la clientèle touristique). Le Commissariat général au Tourisme pourrait être associé à cette démarche.

–      La veille prospective est essentielle car elle permet de mieux appréhender les évolutions de la mobilité touristique à long terme. Cette approche favorisera la prise de décisions stratégiques, intelligentes et durables.

–      L’idéal serait de pouvoir intensifier le « réseautage » des différents acteurs territoriaux, y compris transnationaux, car la mobilité des touristes est souvent cloisonnée dans des limites administratives.

–      En corollaire, un point de vigilance a été identifié : l’information sur les moyens de transport locaux (et autres), très précisément sur le point d’entrée du touriste (généralement les aéroports et les gares) est très souvent lacunaire. L’ensemble des opérateurs s’accordent pour dénoncer des problèmes de signalétique et de présence de personnel qualifié

Benoit PAQUAY.

 
Commentaires fermés sur Les enjeux des transports et de la mobilité pour les secteurs du tourisme (compte-rendu de table ronde)

Publié par le 4 septembre 2013 dans Transport

 

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